Touraine, Alain


 

Biographie :


 

          Alain Touraine est né en 1925 en France dans une famille dite bourgeoise et a eu une enfance choyée. Il a décrit un peu celle-ci dans son livre Un désir d’histoire (1977). Né dans la période de pré-seconde guerre mondiale, il avait environ 15 ans lorsque la France fut occupée par les Nazis. À l’époque de la Libération (1944), Touraine avait 19 ans. Cette période eu une grande influence sur sa vie puisqu’il y a choisi son sujet d’étude, l’Histoire. C’est ainsi qu’en 1945, il entra à l’École normale supérieur. L’université ne lui plut par particulièrement, et il décida alors de faire deux séjours d’études, soit l’un en Hongrie et l’autre en Yougoslavie. À la suite de ces années de voyage, il travailla dans les mines au Nord de la France, période qui le marqua et qui influença ses futurs travaux. C’est une fois sa carrière assez bien établie qu’il rencontra sa femme, Adriana Arénas, au Chili vers l’année 1958. Il eut avec elle deux enfants soit Marisol et Phillippe. Notons que la femme de Touraine fut d’une grande influence dans son œuvre entre autre au niveau du concept de Sujet. Il dit s’être inspiré d’elle pour bien définir ce concept. (Lebel, 2007) Dans les années 1987, Adriana tomba malade. À ce moment, Touraine et sa famille sont retournés au Chili et s’est vers 1988 que sa femme décéda. Par la suite, Touraine retourna en France.

 

          Notons que Touraine a vécu dans de nombreux pays entre autre la France, les États-Unis et le Chili. Bien que cette biographie soit courte et non exhaustive, il est intéressant de remarquer que la vie de Touraine fut à de nombreux niveaux étroitement lié à son travail, c’est pourquoi l’étude de son parcours professionnel peut aussi nous informer sur sa vie en général.

 

 

Parcours professionnel :


 

          Touraine commença son parcours professionnel de manière tout à fait inhabituel, étudiant en histoire et décrocheur, c’est à 22 ans qu’il commença à s’intéresser à la sociologie, discipline qui le fera connaître.

 

          L’intérêt pour la sociologie naît chez Touraine grâce à la lecture du livre de Friedmann Les problèmes humains machinisme industriel (1946). À la suite de cette lecture, Touraine décida d’écrire à Friedmann et les deux hommes se rencontrèrent. C’est ainsi qu’une longue histoire de collaboration fut née. Ce dernier encouragea Touraine a reprendre les études ce qu’il fit. C’est ainsi qu’il intégra le Centre d’Étude Sociologique, dirigé entre autre par Friedmann. Durant la première grande période de Touraine, ses travaux se centrèrent sur le monde de la sidérurgie, la classe ouvrière et la sociologie du travail. Il produisit entre autre, une thèse sur l’industrie automobile (L’évolution du travail ouvrier aux usines Renault [1955]), thèse dirigée par Friedmann. D’autres œuvres marquantes tel que La conscience ouvrière (1966) fut écrite durant la première période de Touraine qui ce concentre sur la sociologie de la conscience ouvrière et où il définit sa sociologie. (CADIS, 2009)

 

          Durant cette période, Touraine vécu dans plusieurs pays, entre autre aux États-Unis (de 1952 à 1954) où il étudia à Harvard auprès de Parsons. Ce fut les seules deux années où il étudia réellement la sociologie. Il remis alors en question la pensée fonctionnalisme de la sociologie, pensée prônée entre autre par Parsons. En 1956, Touraine alla au Chili afin d’y fonder le Centre de Recherche Sociologiques.

 

          En 1958, Touraine quitta le Centre d’Étude Sociologique et intégra les Hautes Études. Cette même année, il y créa le Laboratoire de Sociologie Industrielle (qui devient en 1970 le Centre d’Études des Mouvements Sociaux). Il devint 2 ans plus tard le directeur d’études en sciences sociales des Hautes études. Entre temps, en 1959, il fonda avec Crozier, Raynaud et Tréanton, la revue Sociologie du Travail.  En 1965, Touraine présenta sa nouvelle thèse Sociologie de l’action devant un jury. Celle-ci fut totalement rejetée et Touraine se senti humilié. (Lebel, 2007) Aujourd’hui, cette œuvre est considérée comme l’une de celles ayant marquée sa carrière puisque c’est à travers celle-ci qu’il campe sa position sur la sociologie. (CADIS, 2009) Par la suite, il enseigna à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris X-Naterre de 1966 à 1969.

 

          Vient ensuite la crise de Mai 68 en France. Cette période influença grandement Touraine, bien qu’il attendu quelques années avant d’en faire une analyse entre autre à cause de la pensée d’Althusser qui sembla prédominante à l’époque et à laquelle Touraine n’adhéra pas. Cette période fut difficile pour Touraine. Il en profita pour faire des œuvres plus personnelles tel que Lettre à une étudiante (1974) et Désir d’histoire (1977). Malgré tout, en 1969, il écrivit Société post-industrielle (1969) ainsi qu’une oeuvre élaborée sur 7 ans de travail soit : Production de la société (1973), seconde œuvre où il expose sa vision de la sociologie. C’est d’ailleurs en 1973 que la pensée de Althusser commença à perdre de son influence dans le monde universitaire.

 

          Vient alors la seconde grande période de Touraine puisqu’il se concentre alors sur l’étude des mouvements sociaux, entre autre la grève étudiante de 1976, le mouvement anti-nucléaire (avec La Prophétie antinucléaire [1980]), les coups d’État sud-américains et les mouvements sociaux qui y furent reliés. Cette période fut très prolifique pour la carrière de Touraine. Ce fut entre autre à cette époque qu’il mit en place sa méthodologie d’intervention sociologique. En 1981, Touraine reparti pour une autre année d’étude à l’étranger cette fois-ci en Pologne. Durant ce séjour, Touraine produisit deux œuvres soit : Le retour de l’État (1981) ainsi que Solidarité (1982), avec entre autre la collaboration de Dubet et Wieviorka. C’est d’ailleurs en 1981 qu’il fonde le Centre d’Analyse et d’Intervention sociologique (CADIS) de l’École des Hautes études science sociale (EHESS) à Paris. Il dirigea ce centre jusqu’en 1993 et il en est toujours membre aujourd’hui.  Par la suite, Touraine retourna au Chili, et écrivit quelques œuvres tel que Actores sociales y sistema politicos en America Latina (1987) et La parole et le sang. (1988) C’est alors qu’il décrit plus particulièrement la politique et la société en Amérique latine. Il s’intéressa plus particulièrement sur les problèmes de développement. (CADIS, 2009)

 

          La troisième période de Touraine commença avec l’œuvre Le retour de l’Acteur (1984). Il ne s’agit pas d’une cassure complète avec les mouvements sociaux puisque cette période place le Sujet : «comme principe central d’actions des mouvements sociaux.» (CADIS, 2009) C’est durant cette période que des oeuvres tels que : Critique de la Modernité (1992), Qu’est-ce que la démocratie? (1994) ainsi que Pouvons-nous vivre ensemble? Égaux et Différents (1997) furent écrites. C’est dans cette période qu’il décrit l’idéologie de la modernité et qu’il la remet en question. Il remet aussi en question la démocratie basée sur la citoyenneté et propose une «démocratie pluraliste» qui se fonde sur une diversité culturelle ainsi que sur l’Acteur. Nous pouvons aussi remarqué que dans cette période, Touraine semble se penché vers la multiculturalité et le pluralisme et semble offrir une solution en plaçant le sujet au centre des réflexions et en mettant de l’avant la «production de soi», soit le désir de construction individuelle. (Touraine, 1997)  

 

          C’est aussi durant ces années que Touraine s’intéressa à des mouvements sociaux tels que la sociologie des genres. Il écrivit entre autre Le monde des femmes (2006). Ce sujet revient entre autre dans Penser autrement (2007) où Touraine tente de faire comprendre l’importance de changer notre façon de penser les grands changements sociaux.

 

Impact sur le constructivisme et/ou Impact du constructivisme:


 

     La pensée constructiviste semble avoir été présente dans toutes les œuvres de Touraine et ce même au tout début de sa carrière avec la sociologie de l’action, qui semble avoir influencé ses œuvres. Notons que cette sociologie a été avancée par Bourdieu et qu’il s’agit  entre autre d’une pensée selon laquelle le sens se crée dans l’action et donc que les règles se modifient par et dans l’action. (Univfr, sd.) Nous voyons ici la grande importance de la subjectivité. Toujours dans les années 2000, Touraine s’inspirent et nourri le constructivisme avec des œuvres où il considèrent que l’identité se contruit entre autre avec le concept de «production de soi».

 

     La méthodologie mise en place par Touraine, soit l’Intervention sociologique, est aussi lié au constructivisme puisqu’il s’agit d’une méthodologie où le chercheur tente de prendre en compte le sens que l’acteur donne à sa réalité. Deux autres chercheurs ont entre autre adopté cette méthodologie soit Dubet et Wieviorka, deux membres du CADIS, ayant travaillé avec Touraine. Aujourd’hui, il s’agit d’une méthodologie utilisée par de nombreuses personnes.

À la lecture du parcours professionnel de Touraine, nous pouvons croire qu’il a aussi influencé la sociologie de genre ainsi que la perception de la diversité culturelle. Nous devons aussi rappeler que l’importance du concept de Sujet comme créateur de Sens semble avoir influencer le constructivisme ou être influencé par le constructivisme. Touraine appelle entre autre à : « […] repenser l’individu en tant que sujet, clé de voûte d’une sociologie reconstruite». (Touraine 2007) Il s’agit d’un grand concept de Touraine qui pose l’importance du Sujet au centre des mouvements et changements sociaux.

 

Bibliographie :


 

Publications de Touraine :

Touraine, Alain (1955) L’évolution du travail ouvrier aux usines Renault. Paris : Éditions du CNRS, 202 pages.

Touraine, Alain (1965). Sociologie de l'Action. Paris: Éditions du Seuil, 500 pages.   

Touraine, Alain (1966). La conscience ouvrière. Paris: Éditions du Seuil, 397 pages.

Touraine, Alain (1969). La société post-industrielle. Paris: Édition Denoël. 315 pages.

Touraine, Alain (1974). Pour la sociologie. Paris: Éditions du Seuil. 243 pages.

Touraine, Alain (1973). Production de la société. Paris: Librairie générale française. 472 pages.

Touraine, Alain (1976). Lettres à une étudiante. Paris : Éditions du Seuil, 254 pages.

Touraine, Alain (1980). La prophétie anti-nucléaire. Paris: Éditions du Seuil. 364 pages.

Touraine, Alain, et al. (1982). Solidarité : analyse d’un mouvement social [Pologne 80-81] Paris: Éditions Fayard, 309 pages.

Touraine, Alain (1984). Le retour de l’acteur. Paris: Édition Fayard. 345 pages

Touraine, Alain (1984). Le mouvement ouvrier. Paris: Éditions Fayard, 438 pages.

Touraine, Alain (1988). La parole et le sang : politique et société en Amérique latine. Paris: O. Jacob, 532 pages. 

Touraine, Alain (1992). Critique de la modernité. Paris: Édition A. Fayard, 462 pages.

Touraine, Alain (1993). La voix et le regard : sociologie des mouvements sociaux. (Nouvelle édition) Paris: Librairie générale française, 318 pages

Touraine, Alain (1994). Qu’est-ce que la démocratie? Paris: Édition Fayard. 297 pages.

Touraine, Alain (1998). Le mouvement de mai : ou le communisme utopique. Paris: Librairie générale française. 312 pages.

Touraine, Alain (1999). Pouvons-nous vivre ensemble?: égaux et différents. Paris: Édition Fayard. 540 pages.

Touraine, Alain (1999). Comment sortir du libéralisme? Paris: Éditions Fayard, 164 pages. 

Touraine, Alain (2005). La recherche de soi : dialogue sur le sujet. Paris: Librairie générale française. 439 pages.

Touraine, Alain (2005). Un nouveau paradigme pour comprendre le monde d’aujourd’hui. Paris: Éditions Fayard, 364 pages.

Publications sur Touraine :

Lebel, Jean-Paul (2007). Alain Touraine : vie, œuvre, concepts. Coll :«Les grands théoriciens». Paris: Éditions Ellipses, 92 pages.

Centre d’analyse et d’intervention sociologique (2009) École des hautes études en sciences sociales : CADIS. En ligne. < http://www.ehess.fr/cadis/index.html > Consulté le 29 janvier 2009.

Université de Fribourg (s.d) Paradigmes : mots-clés. Document Word. < http://www.unifr.ch/socsem/cours/compte_rendu/mots-cl%E9s.paradigmes.rtf > Consulté le 29 janvier 2009.