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Edgar Morin- Le principe dialogique

Page history last edited by marie.eve.arbour@hotmail.com 15 years, 1 month ago

 

Le principe dialogique

 

            Le principe dialogique est l’une des bases de la pensée complexe développée par Edgar Morin, avec le principe de la récursivité et le principe «hologrammique». Ces trois principes sont interreliés. Dans La connaissance de la connaissance, Morin définit le principe dialogique comme «l’association complexe (complémentaire/concurrente/antagoniste) d’instances, nécessaires ensemble à l’existence, au fonctionnement et au développement d’un phénomène organisé.» (Morin, 1986 : p. 98) Le principe dialogique est l’idée que deux principes en dualité peuvent former un tout sans que leur dualité ne se perde dans ce tout. Morin s’est inspiré de la dialectique de Marx et Hegel pour développer la dialogique. Il ne faut toutefois pas confondre les deux concepts qui sont fort différents. Bien sûr les deux idées se rejoignent dans l’idée d’échange et de communication entre deux choses différentes, voire opposées. Par contre, la dialectique se distingue de la dialogique par la recherche d’une cohérence entre les deux éléments s’opposant. Ainsi, le Larousse définit la dialectique de la façon suivante : « Méthode de raisonnement qui consiste à analyser la réalité en mettant en évidence les contradictions de celle-ci et à chercher à les dépasser.»(Larousse, 1995 : p. 338) La dialogique ne cherche pas à «dépasser» les contradictions des idées s’opposant à l’intérieur d’un tout en tentant de sublimer la différence et d’exclure la diversité, elle cherche plutôt à intégrer dans un même sytème par la coopération des concepts, idées ou logiques qui s’opposent. Ainsi, une approche dialogique accepterait que deux principes différents ou antagonistes soient unis dans le même tout, sans perdre l’unicité qui les distingue. Cette fusion illustre la complexité du réel en ne cherchant pas à le rendre cohérent par l’élimination des contradictions. Au lieu de vouloir résoudre les contradictions entre la thèse et l’antithèse par une synthèse comme dans la dialectique, la dialogique «assume cette tension en deux notions devant s’exclure l’une l’autre, mais qui sont indissociables en une même réalité.»[1]

            Ainsi, faisant partie des trois concepts fondamentaux de la pensée complexe, la dialogique de Morin permet de mieux penser la complexité du réel. L’auteur nous amène donc à prendre en considération la complexité du réel au lieu de tenter de le simplifier ou de hiérarchiser les idées opposées. C’est ce que tente de faire la dialectique, par exemple en exposant une synthèse éliminant la diversité et menant à l’isolement de chaque concept. Morin avance que ces concepts opposés sont liés et dialoguent entre eux pour former un système, ou un tout qui ne leur enlève en rien leur unicité.

            On peut, par exemple, concevoir la science comme un tout formé d’empirisme, de rationalité, d’imagination et de vérification, ces éléments étant en constant dialogue. La dialogique permet de les concevoir comme des éléments à la fois complémentaires et opposés, qu’il faut tous prendre en considération pour comprendre véritablement la science. Les contradictions en dialogue contribuent à la fois à stimuler et à réguler le système. Sans ces quatre éléments, la science s’effondrerait. (Morin, 1990 : pp 176-177)

            Donc, la dialogique se distingue par l’idée d’unité complexe au sein de laquelle deux logiques opposées se nourrissent entre elles à travers un échange, un dialogue, une coopération. Ainsi, elles se complètent tout en se livrant à une compétition à l’intérieur de la même réalité dont elles font partie. À travers cette compétition, les parties tentent de s’éliminer, mais créent aussi une unité complexe qui n’existerait pas sans cette dynamique. Il s’agit d’une sorte de compétition coopérative d’idées opposées formant une unité complexe. «Pour résumer de façon un peu transitoire, disons, sous réserve de nuances ultérieures, que le dialogisme, c’est quelque chose qui ressemble à la co-construction du sens.» (Cortès, 2009 : p.14) Les notions opposées sont à la fois indissociables et indispensables pour comprendre la réalité au sein de laquelle ils se repoussent.[2] Une citation de Pascal illustre le principe : «Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates…» (Pascal, 1998-1999).

            Dans Penser l’Europe(Morin, 1987), Morin donne l’exemple de la culture européenne qui tient ses origines à la fois de la culture juive, chrétienne, grecque et romaine. Ces cultures se distinguent chacune par leurs principes respectifs qui s’opposent, et qui constituent en même temps une culture européenne unique. «Ce qui fait l'unité de la culture européenne ce n'est pas la synthèse judéo-christiano-gréco-romaine, c'est le jeu non seulement complémentaire, mais aussi concurrent et antagoniste entre ces instances qui ont chacune leur propre logique : c'est justement leur dialogique».(Morin, 1987 : p. 28 )

            En abordant ainsi la complexité du réel, Morin s’oppose aux logiques plus classiques que ce soit la rationalité ou la dialectique et propose une révolution de la pensée. La dialogique est d’ailleurs un des principes fondamentaux de la pensée complexe de Morin, avec le principe de récursivité, et le principe «hologrammique». Pour développer la pensée complexe, Morin s’est inspiré de la théorie de l’information, de la cybernétique, de la théorie des systèmes et de l’auto-organisation. La théorie de l’information amène l’idée d’extraire du nouveau, de l’information, à partir de l’ordre et du désordre en interaction. Elle est attribuée principalement au mathématicien Claude Shannon qui cherche à modéliser l’information en s’inspirant des lois du bruit, de l’entropie et du chaos. Ce dernier s’est toutefois inspiré des travaux d’Alan Turing, de John Von Neumann et de Norbert Wiener.[3] Le concept de cybernétique, théorie des machines autonomes, est d’ailleurs attribué à Wiener, qui a introduit l’idée de rétroaction, en lien étroit avec celle de récursivité. La rétroaction et la boucle causale rompent avec le principe de causalité linéaire, comme nous l’avons vu plus haut. La théorie des systèmes s’inspire quant à elle de la cybernétique. Selon Morin, elle jette les bases d’une pensée de l’organisation.[4] On y apprend que le tout serait plus que la sommes des parties le constituant. Il y a donc rétroaction du tout sur les parties et des parties sur le tout. Dans la même logique, le tout serait moins que la somme de ses parties puisque ces dernières ont des propriétés qui seraient inhibées par le tout dans son ensemble. Un bon exemple qu’utilise Morin pour illustrer cette théorie est celui de l’eau et de ses constituantes, les molécules d’hydrogène et d’oxygène. Ces dernières forment ensemble un tout très différent des deux molécules séparées et retrouvent leurs caractéristiques propres lorsqu’on les aborde séparément. Quant à l’idée d’auto-organisation, elle est non négligeable dans le développement conceptuel qui mènera à la pensée complexe. Morin l’associe aux travaux de Von Neumann, Von Foerster, Atlan et Prigogine.[5] Von Neumann s’est intéressé à la propriété qu’a le vivant de pouvoir se régénérer, contrairement à la machine artificielle qui ne peut se réparer elle-même. Von Foerster s’est intéressé quant à la lui à la création d’ordre à partir du désordre. Atlan, avec le «hasard organisateur», théorise la dialogique ordre/désordre/organisation que l’on retrouve lors de l’émergence de la vie et en action constante dans les constituantes du monde tant biologique, humain que physique. Cette idée mènera à celle d’auto-organisation du vivant. En effet, Prigogine a proposé une approche différente de l’idée d’organisation à partir du désordre en parlant de l’autonomie du vivant capable de régénérer son énergie en allant la chercher dans son environnement et ainsi permettre la perpétuation du système. C’est ce que Morin appelle l’auto-éco-organisation. C’est donc à partir de ces notions qu’il a pu développer la pensée complexe constituée du principe dialogique présenté ici, du principe «hologrammique» et de celui de la récursivité. Le Moine souligne la contribution de la récursivité aux épistémologies constructivistes ainsi : «Cette hypothèse de la boucle récursive du sujet concepteur et de l’objet conçu, sujet se connaissant construisant la connaissance, définissait le statut gnoséologique, sur lesquelles se fondent les épistémologies constructivistes ; c’est elle qui fonde aussi le «Paradigme de la complexité» par lequel nous réélaborons notre connaissance de La nature de la nature, de La vie de la vie, de La connaissance de la connaissance, de L’écologie des idées, de L’identité humaine et de l’Éthique […].»(Le Moigne, 2007 : p. 104)



[1] Cité par Le Moine, 2007 : p. 78, avec référence : Morin, 1999 (sans plus)

[2] Morin, Edgar. Pour une réforme de la pensée, ifrance, En ligne [http://college

heraclite.ifrance.com/documents/r_actuels/em_reforme.htm], page consultée le 23 février 2009

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_l'information

[4] Morin, Edgar. Pour une réforme de la pensée, ifrance, En ligne [http://college

heraclite.ifrance.com/documents/r_actuels/em_reforme.htm], page consultée le 23 février 2009

[5] Idem

 

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