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Alain Touraine- Concept de mouvement social

Page history last edited by marie.eve.arbour@hotmail.com 15 years ago

 

CONCEPT DE MOUVEMENT SOCIAL

Qu’est ce qu’un mouvement social?

      L’étude et l’analyse des mouvements sociaux est un des concepts-clé pour envisager de comprendre l’œuvre touranienne. D’entrée de jeu, il est important de comprendre qu’un mouvement social en est un qui incarne un projet de changement social. Selon Lebel, la définition la plus complète et structurée que Touraine a élaboré à propos de ce concept est la suivante : « Le mouvement social est la conduite collective organisée d’un acteur luttant contre son adversaire pour la direction sociale de l’historicité dans une collectivité concrète. » (Touraine, 1978) Le mouvement social est donc un thème central dans l’analyse actionnaliste, puisque c’est ce qui permet de mettre en lumière l’historicité (concept qui sera élaboré un peu plus loin). Un autre élément important en vue d’une compréhension de ce concept est que dans l'expression «mouvement social», le qualificatif social précise la nature de ces mouvements : ils mobilisent des groupes sociaux, classes et fractions de classe le plus souvent (mouvement ouvrier) mais aussi des groupes d'âge à statut particulier (mouvement étudiant), des minorités raciales (Noirs aux États-Unis) ou ethnique (la société Kabyles en Algérie). (Touraine, 2005) Ces mouvements sociaux ont tous été dignes de l’attention de Touraine et également la cible de l’intervention sociologique du même auteur.

Les conditions

      Pour pouvoir être caractérisé de mouvement social, celui-ci doit remplir trois conditions. Pour le sociologue, le mouvement social est constitué de trois éléments : la défense de l'identité et des intérêts propres, la lutte contre un adversaire et la vision commune que partagent le mouvement et son adversaire, ainsi que la lutte au contrôle de l’historicité. (Vaillancourt, 1991)

     La première condition est le principe d’identité ou « qui lutte? ». Cela mène à la définition par l’acteur lui-même, en lien avec le conflit qui constitue et organise l’acteur autour de celui-ci. Selon Touraine, l’identité de l’acteur ne peut pas être définie indépendamment du conflit réel avec l’adversaire et de la reconnaissance de l’enjeu de la lutte. » (Touraine 1993) Il importe donc que l’acteur soit d’abord et avant tout apte à se définir, à se créer une identité propre.

      Le deuxième principe est celui d’opposition ou « qui est l’adversaire? ». Il faut que l’acteur se sente en confrontation à une force sociale générale, en un combat qui remette en cause des orientations générales de la vie sociale. Un mouvement social s’organise donc autour d’un affrontement d’intérêts opposés et passe nécessairement par la définition d’un adversaire. Il est important de prendre en considération que Touraine spécifie que cet adversaire n’est pas extérieur au système : il se situe dans le même champ historique que le mouvement social, parle la même langue. Les deux forces en opposition doivent donc souvent cohabiter.

      Le principe de totalité ou « pourquoi lutter? » renvoie à une des notions principales élaborées par Alain Touraine, soit l’historicité. C’est cela qui constitue l’enjeu des classes. Nous reviendrons sur ce concept. Pour l’instant, il nécessaire de comprendre que le mouvement social n’a existence que s’il lutte en vue de contrôler la direction de l’historicité.

      C’est à la lumière de ces conditions que l’on peut affirmer qu’un mouvement social est par conséquent, une action collective voulue et organisée à travers laquelle un acteur de classe «conscient de son identité et de ses intérêts propres lutte avec un adversaire identifié et ciblé pour la direction sociale de l'historicité, dans une situation historique bien concrète».  (Vaillancourt, 1991) C’est après une combinaison de ces trois aspects que Touraine arrive à affirmer qu’une seule correspond au mouvement social : « lorsque deux adversaires ont en commun l’enjeu du conflit, mais que la définition que chacun donne de l’autre ne coïncide pas avec celle que l’autre se donne de lui-même » (Lebel, 2007)

Autres considérations théoriques

      Afin de faire une distinction théorique entre conflit et mouvements sociaux, Touraine affirme qu’il est primordial de comprendre que toutes les formes de conflits ne sont pas des mouvements sociaux, puisque les conflits ne possèdent pas nécessairement ces trois principes. Pourtant, en raison du principe d’opposition, tout mouvement social est nécessairement conflit.

      Alain Touraine analyse également le mouvement social comme portant sur le système d’action historique et se situant à l’intérieur du champ d’historicité. Il en est donc un acteur principal. En vue d’éclaircir cette affirmation, je crois qu’il est pertinent de définir le système d’action historique : « C’est le mode d’emprise de l’historicité sur les pratiques sociales et culturelles. L’expression est parfois utilisée à la place de « société » ou plus exactement de «mode de production» ou de «civilisation» pour en exprimer la dimension historique et dynamique.» (Lebel 2007)

Les nouveaux mouvements sociaux

      C’est donc à partir de ces bases théoriques que Touraine considère que chaque société a son mouvement social (au singulier).  Dans ses premiers travaux, l’auteur s’est consacré à l’étude de l’évolution du travail ouvrier aux Usines Renault et sur la conscience ouvrière, ce qui l’a plongé dans le mouvement ouvrier. La deuxième grande période de son œuvre est marquée par le début de son étude sur les mouvements sociaux, thème qui deviendra central dans ses prochains travaux. Les événements de Mai 68 et les coups d’État militaires en Amérique latine en sont les éléments déclencheurs. C’est vers cette période qu’il en vient à affirmer que le mouvement social de la société industrielle est le mouvement ouvrier. Dès lors, une grande partie de ses travaux ont été de se pencher sur la recherche des nouveaux mouvements sociaux, dans l’espoir de voir surgir celui qui marquera la société actuelle qu’il qualifie de « post-industrielle ». Il donne, des nouveaux mouvements sociaux, la définition suivante :

«  Les nouveaux mouvements sociaux, eux, n’ont pas pour principe la transformation des situations et des rapports économiques; ils défendent la liberté et la responsabilité de chaque individu, seul ou collectivement, contre la logique impersonnelle du profit et de la concurrence. Et aussi contre un ordre établi qui décide de ce qui est normal ou anormal, permis ou interdit. » (Touraine, 2005)

      Pour arriver à trouve le nouveau mouvement social il serait nécessaire, selon Touraine, d’arriver d’abord à caractériser le type de domination en présence, puisque c’est bien contre la domination que lutte le mouvement social. Leur but ultime réside dans la réalisation de soi comme acteur et la reconnaissance de l’autre comme sujet. Ils sont également perçus comme des agents relationnels, décidés à transformer la société. Au cours de ses analyses et de ses travaux, il affirme que jusqu’à maintenant, aucun mouvement social n’aurait pris l’ampleur du mouvement ouvrier et n’a réussi à joindre les trois perspectives précédemment exposées. Pourtant, celui qui s’y rapprocherait le plus est le mouvement des femmes qui n’est pas, selon lui, à considérer comme un simple mouvement social (Touraine, 2006) puisqu’il a une vocation et une portée universelle, en plus traverser l’ensemble de la société. Il est arrivé à ces constatations avec son équipe de recherche, constituée de F. Dubet, M. Wievirka, S. Hegedus dans l’analyse des nouveaux mouvements sociaux.

 

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