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Schutz, Alfred

Page history last edited by Olivier G. 15 years, 1 month ago

 

1.   BIOGRAPHIE D’ALFRED SCHUTZ

1.1.   La première moitié de sa vie en Autriche

Alfred Schutz est né à Vienne en 1899. Il a suivi des études de droit et d’économie à l’Université de Vienne dont certains de ses cours furent dispensés par  des figures renommées telles que le sociologue du droit, Hans Kelsen et l’économiste Ludwig von Mises. Alors que Von Mises était partisan des méthodes quantitatives de l’école des économistes de Von Wieser[1], Kelsen était surtout marqué par les travaux de Weber à la recherche d’une formalisation propre aux sciences sociales.

Von Mises était également le fondateur du Cercle de Mises. Ce cercle représentait l’école de l’empirisme logique. À cette époque, cette école de pensée, qui était fréquentée par Schutz, était assez influente à Vienne. C’est au sein de ce Cercle qu’Alfred Schutz a fondé sa pensée en nouant également des amitiés avec plusieurs intellectuels : les économistes Gottfried von Haberler et Fritz Machlup, le philosophe Felix Kaufmann et le politologue Eric Voegelin.

En 1927, Schutz est nommé secrétaire exécutif à la Reitler & Cie de Vienne, une firme bancaire privée ayant des relations d’affaires internationales. Pour Schutz, ce fut le début d’une double carrière professionnelle et universitaire qu’il mènera d’ailleurs tout le reste de sa vie; ce qui amènera Husserl à le qualifier d’ « homme d’affaires le jour et philosophe la nuit ».

Professionnellement, Schutz collaborait le plus souvent avec des juristes et des économistes. Par contre, philosophiquement, ses travaux se tournèrent naturellement vers la sociologie. Il était d’ailleurs grandement influencé par les idées de Dilthey et surtout de Max Weber qui avait également fait un séjour à l’Université de Vienne en1918.

L’influence de Weber fut à ce point importante que Schutz a longtemps définit ses premiers écrits comme seulement destinés à compléter certaines analyses de Weber qu’il jugeait insuffisantes. Pour y arriver, Schutz mit en perspective la sociologie de Max Weber avec la phénoménologie d’Edmund Husserl.

Celui que plusieurs considèrent comme le père de la phénoménologie a également influencé  les travaux de Schutz. Dans la deuxième partie de sa vie, Schutz s’est d’ailleurs appliqué à croiser ses deux inspirations principales ce qui le conduisit à publier en 1932 son ouvrage le plus important : « Der sinnhafte Aufbau der sozialen Welt ».

Cet ouvrage majeur de la pensée constructiviste eu pour effet de créer des liens entre Husserl et Schutz. En effet, après avoir lu « Der sinnhafte Aufbau der sozialen Welt », Husserl qualifia Schutz de « phénoménologue sérieux et profond ». Au cours de la même année, Schutz se joignit à un groupe de phénoménologues à l’invitation de Husserl qui lui proposa également de devenir son collaborateur. Cependant, contraint de poursuivre son activité professionnelle dans le but de pourvoir aux besoins de sa famille, Schutz déclina cette invitation. Par contre, malgré la distance, les deux hommes continuèrent d’entretenir des liens étroits, entretenant un échange épistolaire jusqu’à la mort de Husserl en 1938.

1.2.  La deuxième moitié de sa vie aux États-Unis

Schutz fut contraint de quitter l’Autriche pour les États-Unis en 1939. Ses activités intellectuelles et professionnelles n’étaient plus tolérées par l’Allemagne Nazi qui avait annexé le Pays en 1938. Il s’établit avec sa famille à New-York où il continua de travailler pour la firme Reitler & Cie. Menant toujours sa double vie professionnelle et intellectuelle, il contribua en 1940, à la fondation de l’International Phenomenological Society et de la revue Philosophy and Phenomenological Research. En 1943, il commença à enseigner des cours de sociologie et de philosophie à la Graduate Faculty of Political and Social Science de la New School for Social Research à New York.

Malgré ses nombreuses activités, Schutz est tout de même parvenu à entretenir une correspondance philosophique avec plusieurs de ses connaissances antérieures comme Farber, Fritz Machlup, Eric Voegelin et Maurice Natanson, un de ses étudiants gradué.

Schutz est mort à New-York en 1959, il était âgé de 60 ans. Depuis sa mort, sa réputation n’a fait que croître et ses étudiants les plus éminents tels que Peter Berger, Aaron Cicourel, Harold Garfinkel, Thomas Luckmann, Maurice Natanson et Richard Zaner ont contribué de façon déterminante à faire connaître son œuvre.

Puisque Schutz a émigré au milieu de sa vie, il est intéressant de souligner que sa production est divisée en deux périodes; la période autrichienne et la période américaine. Avant la guerre, Schutz était pratiquement inconnu en Europe, et ce malgré la publication de son ouvrage principal et les contacts qu’il avait noués avec Husserl. Ce n’est qu’aux États-Unis que Schutz accéda à la notoriété, s’affirmant par l’originalité de sa pensée et par ses liens avec la phénoménologie.

2.      LES PRINCIPALES PUBLICATIONS D’ALFRED SCHUTZ

Aux vues de la quantité importante d’ouvrages publiés par Schutz, nous n’en avons retenu qu’une partie dans le cadre de ce travail. Dans cette seconde section, nous présentons succinctement les différents ouvrages retenus.

Après 12 ans de recherches en marge de son travail et de ses études ainsi que quelques publications d’articles déjà très influencés par les idées de Weber, Schutz publie en 1932 son premier ouvrage intitulé Der sinnhafte Aufbau der sozialen Welt. Celui-ci fut traduit en anglais par George Walsh et édité en 1967 sous le titre The Phenomenology of the Social World. Ce premier ouvrage de Schutz est aussi le principal de sa carrière académique. Dans cet ouvrage, Schutz se base directement sur le concept de sociologie compréhensive de Weber, concept visant un apport théorique concernant la légitimation de la dimension compréhensive inhérente aux actions sociales. Schutz est en accord avec Weber sur le fait que l’essence même de la réalité sociale se trouve dans l’interaction entre individus, dans ce qui arrive et dans ce qui est ressenti par les acteurs dans la réalité au moment même de l’action. Pour Weber comme pour Schutz, l’intérêt des sciences sociales est de retracer le sens que des activités sociales prennent pour les acteurs eux-mêmes et c’est ce qui renvoie au comportement individuel et à la signification subjective de l’action.

Schutz considère ses premiers articles au même titre que ce premier ouvrage comme destinés à compléter et approfondir les écrits de Weber. Pour cela, il met en perspective les idées de celui-ci avec l’approche phénoménologique des premiers travaux de Husserl. Par cet exercice, il cherche à fonder phénoménologiquement la sociologie compréhensive de Weber.

Pour Schutz, ce premier ouvrage représente donc une mise à jour des fondements de la sociologie de Weber ce qui l’amène à des réflexions méthodologiques sur les sciences sociales dans le recours à la phénoménologie. Et surtout, ce premier ouvrage contient tous les thèmes qui seront au centre de ses écrits ultérieurs. 

Par la suite, Schutz a publié de nombreux articles dont onze de ceux-ci, publiés entre 1940 et1959, sont regroupés dans l’ouvrage posthume Collected Papers Vol.I., édité par Maurice Natanson en 1967, établi sur la base des indications de Schutz lui-même. (Les références de ces articles se trouvent dans la bibliographie ci-dessous.) Les quatre tomes des Collected Papers proposent de définir la réalité sociale comme étant « […]la somme totale des objets et occurrences au sein du monde social culturel tel que l’expérimente la pensée de sens commun d’hommes vivant leurs vies quotidiennes parmi leurs semblables, connectés avec eux en de multiples relations d’interactions. »[2]

En 1944 et 1945, Schutz a publié deux « essais de psychologie sociale » intitulés respectivement L’Étranger et L’Homme qui rentre au pays. Schutz ayant lui-même fuit son pays en 1939, il a écrit ses essais alors qu’il se trouvait précisément dans la situation de l’immigrant, analysant les difficultés vécues par l’homme qui quitte sa culture, son groupe d’origine pour s’intégrer dans une nouvelle culture, nouvel ensemble social.

Par la suite et au fil de ses publications, Schutz met en avant l’intérêt du présent, la thématique du quotidien pour redonner à la sociologie une nouvelle dynamique, une nouvelle logique à l’œuvre dans la vie sociale. Il s’attelle à renouveler l’approche des sciences sociales à partir de la phénoménologie. Il ne s’agit pas là d’une nouvelle philosophie mais d’une métabolisation de celle-ci, se concrétisant par des analyses en philosophie des sciences sociales. Selon Michel Maffesoli, qui a rédigé la préface de l’ouvrage Le chercheur et le quotidien « toute l’œuvre de Schutz pourrait être comprise comme une réponse à l’angoissante question de ce dernier : « comment se montrer à la hauteur du quotidien? » »[3]

Puisque l’œuvre de Schutz a suscité la publication de nombreux ouvrages traitant de l’œuvre de ce dernier, nous avons également pris en compte plusieurs ouvrages jugés pertinents sur ce sujet dont les références se trouvent également dans la bibliographie ci-dessous.

3.      LA CONTRIBUTION DE SCHUTZ AU CONSTRUCTIVISME

Une des notions importantes que nous avons retenue de l’œuvre de Schutz est certainement celle de la typification. À l’instar de Weber, Schutz s’inscrit dans la même démarche de sociologie compréhensive selon laquelle l’objet  des sciences humaines produit du sens sur son propre être selon son propre sens. Toujours selon la sociologie compréhensive, l’objet de la compréhension interprétative sociologique est la compréhension typique quotidienne. Plus concrètement, les typifications sont représentées par toutes les attitudes d’esprit qui permettent de comprendre le réel à partir de facteurs pouvant être considérés comme irréels au regard d’une démarche rationaliste ou fonctionnaliste.

Ce concept découle du vécu considéré comme allant de soi au sein duquel l’individu intègre un ensemble de savoirs de la vie quotidienne pris pour acquis. Dans L’Étranger, Schutz illustre cela par le fait que pour l’individu, « que, demain, le métro fonctionnera comme d’habitude et que le soleil se lèvera, cela relève presque pour lui du même ordre de vraisemblance. »[4] Ce que le sujet aborde d’abord phénoménologiquement comme un vécu s’intègre alors une construction du réel qui lui est propre, mai qui risque fort, dans un contexte social d’être partagé comme une réalité intersubjective transcendantale.  

Mais dans le cadre plus scientifique des sciences sociales, les constructions sont opérées par le chercheur à partir d’une position différente de celle du sujet ou des sujets engagés dans l’action. Ses constructions idéal-typiques du chercheur prennent la place de la compréhension subjective propre au sujet. Pour Schutz, il y a donc trois dimensions à la sociologie compréhensive : la première en tant que forme d’expérience de la connaissance commune quotidienne,  la seconde en tant que problème épistémologique et enfin, la troisième, en tant que méthode spécifique aux sciences sociales. L’expérience commune est exprimée par une intersubjectivité réflexive. Elle est vécue comme un problème épistémologique car elle remet en question l’objectivité scientifique qui définissait la sociologie positiviste. Elle est spécifique aux sciences sociales car une science compréhensive ne peut qu’être appliquée qu’à un objet de recherche subjectif.

Partant de ces principes, Schutz estime que les méthodes prônées par les courants de pensée behavioristes et positivistes relèvent d’une logique propre à d’autres champs que celui des sciences sociales; elles mènent à la « substitution d’une réalité fictive à la réalité sociale. »[5] Le motif subjectif est éliminé en tant que « facteur pauvre » du point de vue de la signification.

Par son projet d’une sociologie phénoménologique, Schutz cherche justement à retourner à cet « homme oublié ». Il tente de fixer l’enjeu principal de la sociologie à la question : « Que signifie le monde social pour l’acteur tel qu’on l’observe dans ce monde, et qu’a-t-il voulu signifier par son agir? » Selon Schutz, il est impératif de préserver le point de vue subjectif du monde et d’éviter de substituer un idéaltype fictif construit par le scientifique au monde réel observé et vécu et partagé par les différents sujets sociaux.  

Conclusion

Comme pour plusieurs penseurs qui ont vécu les atrocités de la deuxième guerre, Schutz a cherché à libérer la connaissance des hommes de l’objectivité scientifique froide et inhumaine qui avait servi de justification aux thèses Nazi. Selon la pensée de Schutz, l’homme, sa famille et sa société ne sont pas quantifiables, ils ne peuvent qu’être qualifiables. Selon ce principe de base, la méthodologie scientifique ne peut donc pas être transférée à la compréhension du phénomène humain. C’est pourquoi il propose une approche phénoménologique de la sociologie. Ces principes épistémologiques sont simples, mais sont-ils toujours respectés dans notre façon d’aborder les relations humaines?

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Liens Internet

·         Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Sch%C3%BCtz

·         The Internet Encyclopedia of Philosophy : http://www.iep.utm.edu/s/schutz.htm

 

Articles scientifiques tirés de SCHUTZ, A., The problem of social reality, Collected Papers vol.1, The Hague, M. Nijhoff, 1967.

·         SCHUTZ, A., Common Sense and Scientific Interpretation of Human Action, Philosophy and Phenomenological Research, Vol. XIV, 1953

·         SCHUTZ, A., Concept and Theory Formation in the Social Sciences, Journal of Philosophy, Vol. LI, 1954

·         SCHUTZ, A., Choosing Among Projects of Action, Philosophy and Phenomenological Research,  

·         SCHUTZ, A., Some Leading Concepts of Phenomenology, Social Research, Vol. XII, No. I, 1945

·         SCHUTZ, A., Phenomenology and the Social Sciences, Dans : FARBER’ M., Philosophical Essays in Memory of Edmund Husserl, Harvard University Press, Cambridge, 1940

·         SCHUTZ, A., Husserl’s Importance for the Social Sciences, Dans : NIJHOFF, M., Edmund Husserl 1859-1959, The Hague, 1959

·         SCHUTZ, A., Scheler’s Theory of Intersubjectivity and the General Thesis of the Alter Ego, Philosophy and Phenomenological Research, Vol. II, 1942

·         SCHUTZ, A., Sartre’s Theory of the Alter Ego, Philosophy and Phenomenological Research, Vol. IX, 1948

·         SCHUTZ, A., On Multiple Realities, Philosophy and Phenomenological Research, Vol. V, 1945

·         SCHUTZ, A., Language, Language Disturbances, and the Texture of Consciousness, Social Research, Vol. XVII, No. 3, 1950

·         SCHUTZ, A., Symbol Reality and Society, in Symbols and Society : Fourteenth Symposium of the Conference on Science, Dans : BRYSON et All. Dir. Philosophy and Religion, Harper, New-York, 1955

 

Articles scientifiques tirés de SCHUTZ, A., Studies in social theory, Collected Papers vol.2, The Hague, M. Nijhoff, 1964

·         SCHUTZ, A., The social world and the theory of social action, Social Research, Vol. 27, No 2, 1960

·         SCHUTZ, A., Tiresias or our knowledge of future events, Social Research, Vol. 26, No. 1, 1959

 

Ouvrages

·         BLIN, T., Phénoménologie de l’action sociale. Paris, L’Harmattan, 1999, 262p.

·         NATANSON, M., Phenomenology and Social Reality, Essays in memory of Alfred Schutz.The Hague, Martinus Nijhoff, 1970, 306p.

·         SCHUTZ, A., Le chercheur et le quotidien. Trad. de l’anglais par Anne Noschis-Gilliéron. Paris, Méridiens Klincksieck, 1987, 286 p.

·         SCHUTZ, A., L’Étranger. Trad. de l’anglais par Bruce Bégout. Paris, Allia, 2003, 77 p.

·         SCHUTZ, A., On Phenomenology and Social Relations. Chicago et Londres, The Chicago University Press, 1970, 327 p.

·         SCHUTZ, A., The Phenomenology of the Social World. Trad. de l’allemand par George Walsh. Evanston, Northwestern University Press, 1967, 255 p.

·         SEBESTIK J. et SOULEZ A., Le Cercle de Vienne : Doctrines et Controverses. Paris, L’Harmattan, 2001. 313p.

·         TELLIER, F., Alfred Schutz et le projet d’une sociologie phénoménologique. Paris, Presses Universitaires de France, 2003, 127p.



[1] Friedrich Von Wieser (1851-1926), sociologue et économiste autrichien.

[2] SCHUTZ, A., Éléments de sociologie phénoménologique. Introduction de Thierry Blin. Paris, L’Harmattan, 1998, p.10

[3] SCHUTZ, A., Le chercheur et le quotidien. Trad. de l’anglais par Anne Noschis-Gilliéron. Paris, Méridiens Klincksieck, 1987, p. 2

[4] SCHUTZ, A., L’Étranger. Trad. de l’anglais par Bruce Bégout. Paris, Allia, 2003, p. 14

[5] SCHUTZ, A., On Phenomenology and Social Relations. Chicago et Londres, The Chicago University Press, 1970, p.271

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