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Gaulejac, Vincent

Page history last edited by Olivier G. 15 years, 2 months ago

 

Biographie et influence identitaire :

 

Vincent de Gaulejac est né à Croissy-sur-Seine en 1946 en France, d’un père « fondé de pouvoir » [1]  où l’héritage familial aristocrate exigeait un certain niveau social, tandis que la famille maternelle était de bourgeoisie protestante, celle-ci l’influença moins dans son développement social[2]. La conversion de sa mère au catholicisme, l’amena à s’interroger plus en profondeur sur ses motivations pour finalement comprendre qu’elle l’a fait pour se sortir de la solitude, car selon elle le catholicisme permet d’être bien ensemble, d'avoir du monde autour de soi, c'est tout aussi important que la croyance : la religion et la socialisation vont de pair. Étant d’une famille de six garçons et l’inexistence d’école communale mixtes, sa mère sera la seule figure féminine dans sa vie jusqu'à l’âge de 15 ans. Bien que le statut social de sa famille soit élevé, le niveau économique était plus bas jusqu'à ce qu’il entreprenne son baccalauréat, il constate alors cela et refuse de combattre ce registre social au plan matériel avec son entourage. Enfin arrivent les études en droit, afin de « devenir [potentiellement] cadre dans une grande entreprise » [3]  ce qu’il refuse et part en Amérique à l’obtention de ce diplôme. Le tournant : 1967-1972, crée des ruptures importantes dans son récit de vie face a la découverte de nouveau registre social propre à cette période de contestation sociale, où il redéfinit ses limites identitaires grâce à diverses expériences. Bref, une révolution sociale, psychique et subjective est en cours. Il découvre aussi, la violence d’état, le militantisme, les classes, les inégalités, la gauche, la religion, la libération sexuelle, les drogues, les protestations de la guerre du Viêt-nam et encore. Son voyage en Inde à l’été 1969 constitue une seconde rupture pour l’auteur, il découvre un autre sens à la « vérité ».

 

« Je prends conscience que chacun se construit une représentation du monde et qu'il y a un écart entre ces représentations et "la vérité". Je prends également conscience que le savoir est un enjeu de pouvoir qui consiste à imposer aux autres sa façon de voir. »[4]

 

À son retour en Europe, il entreprend des études à Paris où il complète alors un doctorat en Sciences des organisations (1970) tout en étant actif dans le milieu communautaire auprès des jeunes de la rue. Il rencontre, autour de cette même période, Max Pagès qui était alors un fervent de Carl Rogers. Il fait ensuite connaissance de la psychanalyse et de la psychosociologie, mais demeure toujours distant de la sociologie, car il croit que les sociologues ont "une approche tordue "[5].  Après quelques années de bénévolat, il comprend davantage la sociologie, elle prend sens en lui, il prend pleinement conscience de la réalité sociale,  « au sens plein du terme, là où le social est chargé l'inégalité, d'injustice et de souffrance. Je découvre enfin qu'on ne peut réellement entrer en relation avec autrui lorsque l'on reste cantonné dans son rôle social »[6].    Par la suite, il enfilera différents mandats, projets et expériences tout en complétant des doctorats en Sociologie (1975) et en Lettres et Sciences humaines (1986). Il rédige aussi une thèse sur «  La névrose de classe, trajectoire sociale et conflits d’identité ».  Plus tard, en 1981, il est nommé à la direction du Laboratoire de Changement social, fondé par Max Pagès en 1970. Gaulejac est maintenant l’un des principaux représentants de la sociologie clinique en France. Depuis 1989, il enseigne à l’Université de Paris 7 tout en étant un acteur important au niveau de recherches en sociologie en France et a l’international. Pour illustrer quelque peu son implication en sociologie, il est pertinent de souligner qu’il est l’un des membres fondateurs du Comité de Recherche de Sociologie clinique de l'Association Internationale des Sociologues de Langue française, Directeur de la collection Sociologie clinique chez ÉRÈS depuis 2002, et Membre fondateur de l’Institut Internationale de Sociologie clinique. Malgré que ceci ne soit qu’un très bref survol de son travail et de son récit de vie, il est indubitablement un auteur phare dans la constitution et l’élargissement des connaissances en sociologie clinique.

 

Œuvres :

 

L'oeuvre de Vincent de Gaulejac, est constituée de livres individuels, de directions d'ouvrages collectifs, en plus de nombreux articles, comptes-rendus, entrevues et un DVD. Il faut souligner que plusieurs collaborateurs l'influencent, tels que Nicole Aubert, Max Pagès, Eugène Enriquez, Jean-Marie Robine, Claude Julier, Jacques Pearon, Gilbert Mury, Michel Bonetti, Daniel Descendre et bien d’autres. La majeure partie de son travail se concentre en fait sur trois thèmes récurrents et construits au fil de son œuvre selon son propre récit de vie : l’idéologie gestionnaire, les récits de vie et la sociologie clinique, et l’identité.

 

La sociologie clinique et les récits de vie :

 

La Sociologie clinique n’est pas une contestation ou un refus de la psychosociologie, mais plutôt une remise en question de la sociologie classique et le désir de se séparer de la marginalité psychosociologique afin d’obtenir une certaine reconnaissance scientifique. Gaulejac introduit à la sociologie l’analyse biographique (récits de vie), suite à ses expériences professionnelles sur le terrain, afin de rompre avec la « façon de concevoir la réalité, de la comprendre et de l’analyser » [7]. Mais quel est son objet principal? Selon Mauss cela serait « de saisir la «personnalité totale» d’un sujet à travers le récit de sa propre vie, de comprendre en quoi l’individu est le produit d’une histoire dont il cherche à en devenir le sujet; d’étudier le rapport entre histoire et historicité en croisant »[8] les déterminismes qui le produisent et de son rapport avec ceux-ci. L’objet de la sociologie clinique est un objet complexe multidimensionnel et interdisciplinaire qui entrecoupe plusieurs champs théoriques. Gaulejac situe cet objet sous deux niveaux en ralliant les structures individuelles au lien social, soit le sociosymbolique — valeurs, idéologie, représentations sociales, la subjectivité — le niveau sociopsychique — les passions politiques, amoureuses, idéologiques. Par contre, l’étude de cet objet complexe nécessite non seulement un champ théorique multiple, mais aussi des « instruments théoriques qui permettent de comprendre cette complexité » [9]. La polarité de l’individu s’exhibe selon lui par une dualité « à savoir que les représentations qu’on construit sur le monde dépendent de la place qu’on occupe dans ce monde. » Il préfère plutôt avoir des outils théoriques explicites, en évitant les rationalisations des symptômes, que d’utiliser ceux provenant d’autres espaces théoriques comme la psychanalyse. Bref, avec Pagès il travaillera à cette théorisation inspirée en partie de la Gestalt-thérapie. La Sociologie clinique c’est « l’Homme en situation »[10]. L’auteur se concentrera sur l’analyse biographique tout au long de sa carrière. Devant cette large définition de l’objet de la Sociologie clinique, il est possible de s’attarder plus précisément sur la relation existante entre la construction de l’identité et les récits de vie, c'est-à-dire le sujet.  La sociologie-clinique « s'inscrit au coeur des contradictions entre objectivité et subjectivité, entre rationalité et irrationalité, entre structure et acteur, entre le poids des déterminismes sociohistoriques et la capacité des individus d'être créateurs d'histoire. »[11] Elle cherche à comprendre la construction, la relation de l’identité dans le monde social

 

 

 

L’idéologie gestionnaire :

 

L’ouvrage La société malade de gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social constitue en fait un large diagnostic des analyses et des recherches de l’auteur.  Dès le départ, à la seule lecture du titre il est possible de prendre constat d’une thèse formelle de l’auteur lorsqu’il jouxte le terme idéologie et gestion, il tente d’illustrer la déformation de la pensée managériale. À la base, la gestion était présentée comme un outil normatif des organisations, pour organiser l’efficacité, la production, les ressources et autres. La gestion était effectivement au début un outil servant à dire «  voilà comment il faut fonctionner pour bien fonctionner » [12]. Par contre, la gestion est maintenant devenue une idéologie de société, car elle constitue une nouvelle représentation du monde qui « tente de mettre la société au service d’une certaine conception de l’économie et donc du développement économique » selon Gaulejac. Ceci est soutenu au niveau épistémologique et idéologique. Sur le plan de l’épistémè, il porte une critique sur les paradigmes qui constituent la science de la gestion comme l'objectivisme et le positivisme. D'une part, il souligne que le paradigme objectiviste qui cherche à faire prédominer le quantitatif — la rentabilité financière — et d’autres part, que le paradigme fonctionnaliste qui permet de faire fonctionner l’organisation « d’une bonne façon » tente d’éliminer les dysfonctionnements non seulement dans l'organisation, mais dans la société. Ainsi, les problèmes n’existeraient plus et seuls les éléments performants seront conservés. Cette épistémè de gestion « performante » engendre alors un changement au niveau idéologique dans l'organisation et la société, car l’objectivation de ce qui est bon devient l’unique vérité, l'unique idéal. Une posture absolue comme celle-ci élève les sciences de la gestion à l’utilitariste tout comme l'individu en société. L'individu n'est-il pas par ce qu'il fait, plutôt que par ce qu'il est en tant que sujet? L’individu dans l’organisation est par conséquent contraint à être utile seulement si sa pensée l'est aussi, tandis que la pensée critique est inutile, contre-productive, et même dysfonctionnelle. Bref, l’idéologie de gestion est une pensée unique et économiste.

 

Ce livre énonce que l’humain n’est plus dans l’entreprise qu’une ressource de l’entreprise qui accomplit une fonction précise et qui doit s’inscrire dans le système. Ce changement de représentation indique un renversement profond de l’économique et du social : «  ce n’est plus l’entreprise qui est une ressource de l’humain, un moyen pour développer la société, c’est la société qui doit se mobiliser pour se mettre au service de l’économie »[13]. L’humain devient donc prisonnier de l’entreprise par le besoin d’être utile dans la société. Cette emprise introduit le concept de la prison du psyché, abordée dans les ouvrages de L’emprise des organisations, et Le coût de l’excellence coécrit respectivement avec Max Pagès et Nicole Aubert. La prison du psyché est liée à l’idéologie, car précédemment la science de la gestion avait besoin d’outil pour exercer un certain pouvoir sur les individus, tandis qu’avec ce renversement, l’individu est soumis au pouvoir social de l’idéologie de gestion. C’est à dire que l’individu est maintenant confronté intérieurement par des injonctions paradoxales qui viennent à exercer une influence, un pouvoir sur lui. La culture de la haute performance et de la compétition générale amenées par ces deux concepts emprisonne l’individu et le harcèle constamment, selon Gaulejac, et entraîne les nouvelles maladies comme l’épuisement personnel et le stress. Mais pouvons-nous échapper à cette dimension, demande-t-il? C’est à cette question qu’il répond principalement en ouvrant une piste par le diagnostic suivant :

           

 « Dans le monde d’aujourd’hui. les uns crèvent d’avoir trop de travail et les autres crèvent de ne plus en avoir. » et il y a nous ceux qui veulent une vie normale une place normale! Et le moi est un capital à faire fructifier » [14]

 

Cet ouvrage et Le Coût de l’excellence révèlent des antinomies fondamentales de notre mise en relation et de la relation de pouvoir que l’on entretient avec notre conception sociale de nos représentations du réel qui est en fait lié de manière insécable à la construction identitaire. L’homme moderne est le résultat et la victime d’une névrose sociale selon cette métathéorie «  englobante du social et du psychique »[15]

 

Gaulejac constructiviste?

 

Le cheminement personnel et académique de Gaulejac l’ont amené à faire plusieurs recherches sur des questions fondamentales et omniprésentes au paradigme constructivisme, sans pour autant se définir ainsi. Les thèmes abordés comme la construction de l’identité sur trois niveaux d’interaction, des récits de vies et la représentation du monde qu’il explique dans La société malade de gestion, démontre une compréhension et une analyse proche au constructivisme. L'auteur déconstruit, une à une, les représentations globalisantes, généralisatrices et même parfois aliénantes d’un social construit qu’il qualifie « d’illusion biographique, d’illusion finaliste, d’illusion déterministe, d’illusion rétrospective (historicité des grands récits) et d’illusion narcissique »[16]. Ces illusions qu’il mentionne en introduction dans S’autoriser à penser remettent en question plusieurs « vérités » en plus du rapport à l’objet qui découle de l’héritage du cartésianisme-positivisme.  Tout au long de son œuvre, il revient fréquemment au concept de construction identitaire par les récits de vie soulignant l’importance de la multidimensionnalité de l’identité — sociosymbolique, sociopsychique — pour bien en comprendre cet objet complexe ou plutôt sujet-objet. Ces multiples tentatives de comprendre l’homme en situation réussi aussi bien à déconstruire et à construire une conception de la réalité autre.

 

Conclusion :

 

Ce rapide survol très ou trop abrégé ne peut pas être complet, il est premièrement une construction directe de ma propre compréhension et deuxièmement très sommaire. La contribution de son œuvre est cependant incontestable, car elle permet maintenant d’avoir davantage d’outils théoriques pour comprendre l’impact du registre social sur l’individu et de son interaction avec le social. Enfin, s’autoriser à penser ( disponible en ligne) est un récit de vie, de l’auteur même, qui illustre efficacement la construction identitaire remplie de vérité relative sur son interaction avec le monde. On y retrouve quelquefois une touche d’humour narcissique propre à la cause que sert son œuvre.

 

 

Références :

 

Gaulejac, V. d. (2005). La société malade de la gestion : idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social. Paris: Éd. du Seuil.

Gaulejac, V. d., Bonetti, M., & Fraisse, J. (1995). L'ingénierie sociale. Paris: Syros.

Gaulejac, V. d., & Roy, S. (1993). Sociologies cliniques. Marseille: Hommes et perspectives.

Gaulejac, V. d., & Taboada Leonetti, I. (2007). La lutte des places : insertion et désinsertion (Nouv. éd. ed.). Paris: Desclée de Brouwer.

 

Aubert, N.; Gaulejac, V. de; Vindras, V. (Collaborator, Collaborateur) Le coût de l'excellence Paris : Le Seuil, 1991.

Articles :

 

AUBERT. Nicole et als.(1997) L’aventure psychosociologique :psychosociologie et sociologie clinique. P.157-170 Paris: Desclée de Brouwer.

 

GAULEJAC, Vincent. D., Sociologie et psychanalyse des récits de vie : contradictions et complémentarités Biographical Research p.19-26

 

GRANIER. François. « Pour une sociologie du sujet? » Sociologie pratique. 2008/2, No. 17, P137-139. Presses universitaires de France.

 

GAULEJAC, Vincent. D.  La part maudite du management; l’idéologie gestionnaire » EMPAN (2006) No. 61, P30-35

 

MAIRESSE. Yves. La Gestalt vue par un sociologue.(Entretien avec Vincent de Gaulejac)  Revue gestalt no.22, (juin 2002)

 

GAULEJAC, V. d., Clinical Sociology and Life Histories. International Sociology. (Juin 1997) Vol 12(2) : p.175-190

 

GAULEJAC, V. d., Sociologues en quête d’identité. Cahiers internationaux de sociologie. 2001(2). No. 111 p. 355-362

 

RANJARD. Patrice. Ne pas psychologiser les problèmes sociaux.(Entretien avec Vincent de Gaulejac)  Revue gestalt – La goutte d’eau et l’océan. Décembre 2005 - no.29. p.101-115

 

Gaulejac, V. de Recherche et intervention. Complémentarité et contradictions.  Education permanente, no. 113, pp. 179-184, 1992

 

Sites internet :

 

Université Paris-Diderot 7, Laboratoire de Changement Social [ http://www.univ-paris-diderot.fr/recherche/pagelabos.php?num=108B] (consulté le 08 février 2009)

 

Site web personnel de Vincent de Gaulejac, Formations, enseignements, recherches. [http://www.vincentdegaulejac.com/ ] (consulté le 08 février 2009)

 

Site web personnel de Vincent de Gaulejac,  LCS : Histoires de vie et choix théorique, S’autoriser à penser.pdf (1996) [ http://www.vincentdegaulejac.com/penser.pdf ] (Consulté le 12 février 2009)

 

L’institut International de Sociologie Clinique, La sociologie clinique. [http://www.sociologieclinique-iisc.com/iisc.php?menu=1&droite=1 ] (consulté le 08 février 2009)

 

Wikipédia [ http://fr.wikipedia.org/wiki/Vincent_de_Gaulejac] (Consulté le 08 février 2009)



[1] S’autoriser à penser. p.4

[2] Idem

[3] Idem

[4] Ibid. p 12

[5] Ibid. p.11

[6] Ibid. p.14

[7] La part maudite du management; l’idéologie gestionnaire. P.33

[8] Sociologie et psychanalyse des récits de vie : contradictions et complémentarités. P.19

[9] La Gestalt vue par un sociologue. Entretien avec Vincent de Gaulejac. p.157

[10] ibid. p. 161

[11] Sociologie et psychanalyse des récits de vie : contradictions et complémentarités. P.20

[12] La part maudite du management; l’idéologie gestionnaire p. 31

[13] Idem.

[14] ibid.p.34

[15] S’autoriser à penser. p.21

[16] S’autoriser à penser. p.1

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